Par Antoine Mathieu
21/08/2025

Temps de lecture : 6 min

Les épisodes climatiques extrêmes se multiplient et s'intensifient, rendant toujours plus urgent le développement de stratégies d'adaptation robustes.

Ruptures d’approvisionnement, bâtiments inondés, conditions de travail dégradées par les fortes chaleurs… quel que soit votre secteur d’activité, il y a de grandes chances que le changement climatique entraîne des perturbations dans le fonctionnement de votre organisation.
 
Mais comment aborder ce nouveau sujet, qui peut être perçu comme relativement éloigné des enjeux opérationnels, et embarquer vos parties prenantes internes et externes ?
 
Nous présentons dans cet article un outil particulièrement efficace pour animer votre projet de construction d’une stratégie d’adaptation : les Ateliers de l’Adaptation au Changement Climatique (AdACC). Ces ateliers ne sont pas simplement des outils de sensibilisation ; ils permettent d’acquérir une méthodologie pour construire une stratégie d’adaptation robuste basée sur la concertation et la coconstruction.

Les AdACC : un outil pour passer de la prise de conscience à l’action

Créés en 2020 par Juliette Nouel, journaliste spécialisée sur le climat et la biodiversité, ces ateliers s’inscrivent dans la continuité des démarches de sensibilisation telles que la Fresque du Climat. Mais là où cette dernière s’appuie sur les travaux du Groupe 1 du GIEC (les bases physiques du changement climatique), l’atelier AdACC mobilise les publications du Groupe 2, centré, lui, sur les impacts et les options d’adaptation.
 
Le but ? Fournir une méthode accessible et collaborative pour s’approprier les concepts clés de l’adaptation et construire une stratégie robuste face au dérèglement climatique. L’atelier propose une montée en compétences sur les fondamentaux scientifiques et méthodologiques, tout en créant un espace collectif pour coconstruire des solutions adaptées à des contextes spécifiques.

Pourquoi une méthode structurée est-elle essentielle pour embarquer les parties prenantes ?

L’adaptation concerne des métiers et services aux priorités parfois très différentes. Sans cadre clair, les discussions restent théoriques et peinent à se traduire en mesures concrètes.
 
Les AdACC ont le mérite de créer un langage commun, de faciliter la coopération entre les services, de stimuler la remontée d’informations de la part des opérationnels et, enfin, de permettre de hiérarchiser collectivement les actions les plus pertinentes.
 
Quelques exemples :
 
  • Dans une collectivité, un atelier pourra réunir le service Urbanisme et le service Santé publique pour définir ensemble des mesures de réduction des îlots de chaleur urbains - conciliant aménagement du territoire et protection des populations vulnérables.
     
  • Dans une entreprise industrielle, un atelier pourra quant à lui rassembler la production, la maintenance et les ressources humaines pour anticiper les impacts des vagues de chaleur sur la sécurité et la performance des équipes.
Animation d’un Atelier de l’Adaptation au Changement Climatique en entreprise
Animation d’un Atelier de l’Adaptation au Changement Climatique en entreprise.

Deux séquences complémentaires pour structurer la réflexion

V2 Les deux séquences d'un atelier AdACC
Séquence 1 : Découverte de la méthode

Cette première phase pose les bases théoriques nécessaires à une compréhension partagée. Elle permet notamment de :
 
  • Distinguer l’atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre) de l’adaptation (réduction des risques physiques)
     
  • Définir le risque climatique comme la combinaison d’un aléa, d’une exposition et d’une vulnérabilité
     
  • Identifier les différents types de stratégies d’adaptation : réactive, anticipative, transformative
Les composantes d'un risque climatique
Les composantes du risque climatique.
Séquence 2 : Expérimentation de la méthode
 
Cette phase mobilise les connaissances acquises en séquence 1 pour travailler sur un cas pratique. En s’appuyant sur l’intelligence collective, les participants coconstruisent un plan d’adaptation concret à partir d’un enjeu propre à leur organisation.

La méthode permet d’évaluer les solutions afin d’éviter la "mal-adaptation" et valoriser les cobénéfices.
Grille d'évaluation des solutions envisagées lors d'un AdACC
Grille d'évaluation des solutions envisagées lors d'un AdACC.

Comment intégrer l’atelier AdACC dans un projet d’adaptation ?

L’intérêt des Ateliers de l’Adaptation au Changement Climatique ne réside pas uniquement dans sa capacité à sensibiliser. Il peut devenir un outil structurant au sein d’une démarche globale d’adaptation au changement climatique. Chez Urbanomy, nous intégrons cet atelier dans plusieurs phases de nos projets.
 
En amont, pour construire un socle de culture commune
 
Organiser la séquence 1 en début de projet permet de fédérer les équipes autour d’un socle conceptuel commun. C’est un prérequis indispensable pour mobiliser efficacement les parties prenantes (métiers, directions, partenaires) et orienter les diagnostics de vulnérabilité de manière pertinente.
 
Imaginons par exemple qu’une collectivité territoriale engage l’élaboration de son Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET). Avant de lancer les diagnostics et la définition des actions, l’atelier AdACC est organisé avec les élus et les techniciens.
 
Cette sensibilisation permet non seulement de comprendre les concepts d’adaptation au changement climatique mais aussi d’établir des liens directs entre l’évolution du climat local et les activités opérationnelles de la collectivité.
 
Concrètement, les participants découvrent comment :
 
  • L’augmentation des vagues de chaleur peut amplifier les risques sanitaires pour les populations vulnérables et nécessiter des aménagements urbains (espaces ombragés, îlots de fraîcheur, végétalisation)
     
  • Les sécheresses prolongées impactent la gestion de l’eau potable, l’irrigation des espaces verts et l’entretien des infrastructures routières
     
  • La multiplication des événements extrêmes (pluies intenses, inondations) fragilise les réseaux d’assainissement, les bâtiments publics et les axes de transport
 
En comprenant ces liens, les élus et techniciens peuvent prioriser les diagnostics et orienter la planification vers des solutions adaptées aux réalités de leur territoire, plutôt que de rester dans une vision générique de l’adaptation.
 
 
En aval, pour coconstruire les solutions avec les métiers concernés

La séquence 2 trouve toute sa pertinence une fois les diagnostics réalisés. Elle permet d’impliquer directement les services concernés (maintenance, production, RH, logistique, etc.) dans la construction de solutions concrètes, acceptables et compatibles avec les réalités opérationnelles.
 
Imaginons maintenant qu’une entreprise industrielle spécialisée dans la fabrication de pièces métalliques constate, lors de son diagnostic de vulnérabilité, que plusieurs de ses bâtiments de production et entrepôts sont fortement exposés aux vagues de chaleur estivales. Cette situation entraîne des risques pour la santé des opérateurs, des arrêts de machines sensibles à la surchauffe et, donc, des pertes de productivité.

L’atelier AdACC est alors organisé avec les équipes d’exploitation, de maintenance, de santé-sécurité et des ressources humaines.
 
En s’appuyant sur les connaissances partagées en séquence 1, les participants identifient et évaluent collectivement plusieurs pistes d’adaptation : installation de systèmes de rafraîchissement passifs, réorganisation des horaires de travail, renforcement de la ventilation naturelle, isolation thermique des toitures, zones de repos climatisées ou encore adaptation des processus pour réduire la chaleur dégagée par certaines machines.
 
Chaque option est analysée selon ses bénéfices, ses contraintes techniques, son coût et ses cobénéfices (amélioration du confort des équipes ou réduction de la consommation énergétique, par exemple).
 
À l’issue de l’atelier, un plan d’actions priorisées est validé, intégrant des mesures à court terme (organisation du travail, équipements de protection) et à plus long terme (rénovation de bâtiments, investissements techniques).

Les AdACC, une porte d'entrée efficace pour un impératif stratégique : l'adaptation au changement climatique

Si l’adaptation devient un impératif stratégique pour nombre d’acteurs, elle reste un sujet encore peu structuré dans de nombreuses organisations.
 
Les AdACC sont une porte d’entrée efficace et prennent tout leur sens lorsqu’ils sont intégrés à une démarche globale incluant diagnostic de vulnérabilité, modélisation des impacts, priorisation des actions et suivi dans le temps.
Photo d'Antoine Mathieu, Expert Adaptation chez Urbanomy

L'auteur

Antoine Mathieu

Antoine est Expert Adaptation chez Urbanomy.

Ingénieur diplômé de l’INSA Lyon, il a également suivi une formation sur les fondamentaux de l’entreprise durable à CentraleSupélec. Antoine est par ailleurs formé à la méthode Bilan Carbone®.

Il a plus de dix ans d’expérience en entreprise, notamment chez Safran et Parrot Drones en tant qu’ingénieur projets et études puis en tant qu’ingénieur écoconception. Antoine a enfin une expérience en cabinet de conseil sur les sujets carbone et climat, pour la réalisation de Bilans Carbone® et le développement d’une plateforme SaaS de comptabilité carbone.

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