Par Weiyu Wang et Alice Broutart
03/09/2025

Temps de lecture : 10 min

Transition énergétique, pression foncière... de nombreux facteurs poussent les industriels à repenser l’usage de leurs sites. Le plan de valorisation du foncier leur offre une réponse concrète pour gagner en autonomie, en efficacité et en compétitivité.

Dans un contexte d’incertitude grandissant, la valorisation du foncier industriel devient un enjeu stratégique pour les entreprises. Entre exigences croissantes en matière de sobriété foncière et obligations de développement des énergies renouvelables (EnR), les industriels doivent désormais intégrer la gestion de leur foncier dans une logique proactive, stratégique et conforme à un cadre réglementaire de plus en plus exigeant.
 
L’un des textes clés en la matière est la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER). Celle-ci impose aux entreprises publiques ou privées de plus de 250 salariés, l’obligation d’élaborer un plan de valorisation du foncier en vue de produire des énergies renouvelables. Ce plan doit inclure des objectifs quantitatifs par filière (photovoltaïque, solaire thermique, éolien, méthanisation, biomasse…) et démontrer une capacité réelle à mobiliser les espaces disponibles pour y installer des projets EnR.
 
De plus, la loi Climat et Résilience fixe l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) à l’horizon 2050, avec un premier jalon de réduction de 50% de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2031. Les entreprises sont donc incitées à réutiliser et transformer leurs sites existants, plutôt que d’artificialiser de nouvelles surfaces. Pour rendre cette trajectoire plus flexible, la loi TRACE, adoptée par le Sénat en mars 2025, a repoussé certaines échéances intermédiaires, décalant par exemple celle de 2031 à 2034, tout en introduisant des exceptions adaptées aux réalités locales.
 
Par ailleurs, le rejet par l’Assemblée nationale, le 24 juin 2025, de la proposition de la loi Gremillet a généré de nouvelles incertitudes sur le développement des énergies renouvelables. Ce texte visait à fixer un objectif national ambitieux de 200 TWh de la production d’énergies renouvelables dans un total de 560 TWh d’électricité décarbonée - mais avec un moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque intégré. Cette décision de rejet a également entraîné le report de la publication de la troisième Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) et elle maintient la France dans l’incertitude stratégique sur le développement d’énergies renouvelables.

Dans ce contexte complexe, mettre en place un plan de valorisation du foncier n’est plus un simple projet environnemental mais un véritable levier de conformité, de performance économique et de résilience stratégique. C’est aussi un outil indispensable pour anticiper les attentes des territoires, sécuriser son approvisionnement énergétique et transformer ses patrimoines fonciers en atout durable.

Qu’est-ce qu’un plan de valorisation du foncier industriel ?

Un plan de valorisation du foncier est une démarche structurée qui vise à recenser, analyser et projeter les usages possibles des terrains et bâtiments industriels disponibles ou sous-utilisés, afin d’optimiser sa valeur économique, fonctionnelle ou environnementale.
 
Concrètement, ce plan repose sur plusieurs étapes clés :
Principales étapes pour la construction d'un plan de valorisation du foncier
Principales étapes pour la construction d'un plan de valorisation du foncier.
Le document final prend généralement la forme d’un document de cadrage opérationnel, structuré et exploitable, intégrant des cartographies, des analyses technico-économiques et une préconisation des solutions.
 
Il peut servir de base pour échanger avec les autorités locales, les porteurs de projets EnR, mais aussi pour communiquer auprès des investisseurs. Il pourrait également être utilisé dans le cadre du reporting réglementaire, notamment si cette obligation venait à être généralisée à l’avenir, ce qui est déjà le cas pour certaines entreprises publiques et privées (loi APER).

Pourquoi mettre en place un plan de valorisation du foncier ?

Mettre en place un plan de valorisation du foncier permet, évidement, d’optimiser le potentiel énergétique des sites industriels. En mobilisant des surfaces existantes (toitures, parkings, terrains laissés en friche), l’entreprise peut développer des projets de production d’énergies renouvelables, contribuant ainsi à réduire sa dépendance énergétique, à maîtriser ses coûts et à accélérer sa transition bas carbone.
 
Mais au-delà de cet avantage énergétique immédiat, cette démarche apporte plus d’avantages, qui touchent à la stratégie, à l’économie, à l’environnement et à la sécurisation règlementaire de l’entreprise.
 
  • Structurer et anticiper la gestion foncière du site industriel

    Le plan de valorisation permet d’avoir une vision claire du patrimoine foncier, d’identifier les zones à fort potentiel, mais aussi les contraintes ou risques associés (pollution, accessibilité, ICPE…). C’est un outil d’aide à la décision pour mieux orienter les usages et ajuster les implantations aux besoins réels de l’entreprise.  Plus que l’implantation des installations d’énergies renouvelables, ce diagnostic permet aussi de donner une vision claire sur la possibilité d’extension d’activité, cession, location, etc.
     
  • Générer de la valeur à partir d’espaces non utilisés ou sous-utilisés

    Au-delà de la production d’énergie et de son autoconsommation pour réduire la facture énergétique, ou de sa revente sur le réseau, la valorisation du foncier peut également générer :
     
    • des revenus complémentaires via la location ou la mutualisation d’espaces
       
    • des plus-values indirectes, par la reconversion avec de nouveaux usages (logistique, synergie industriel, extension d’activité…)

         C’est donc aussi un outil pour réactiver des actifs dormants pour une rentabilité à moyen et à long terme.

Panneaux photovoltaïques sur les toits des entrepôts de l'entreprise Ekibio, en Ardèche
Panneaux photovoltaïques sur les toits des entrepôts d'une entreprise située à Peaugres (Ardèche).
  • Devenir partenaire de la transition environnementale d’un territoire

    Réutiliser l’existant plutôt que consommer du foncier neuf, c’est réduire l’artificialisation des sols naturels. C’est également un levier de négociation pour développer d’autres projets industriels avec les collectivités et les parties prenantes locales, qui sont souvent exigeantes sur l’impact environnemental des projets industriels.

    De plus, un site industriel engagé dans la valorisation de son foncier en vue de produire des énergies renouvelables pour les autoconsommer peut renforcer sa compétitivité sur le marché en réduisant l’empreinte carbone de ses produits, pour répondre aux exigences croissantes des clients sur la réduction de leurs émissions indirectes (scope 3). Ceci représente un avantage différenciant permettant de se positionner comme fournisseur bas carbone privilégié auprès de ses clients.
     
  • Sécuriser sa trajectoire réglementaire

    Enfin, au-delà des obligations règlementaires actuelles, le plan de valorisation constitue une assurance réglementaire à long terme. Il permet à l’entreprise :
     
    • D’anticiper les évolutions réglementaires (foncier, énergie, environnement)
       
    • De réduire les risques de blocage
       
    • et de préparer une réponse engageante face aux collectivités

Notre accompagnement et notre méthodologie, en quatre étapes

L’accompagnement d’Urbanomy se décompose de la façon suivante.
 
  1. Diagnostic de l’existant

    L’étude commence par une collecte de données auprès de l’entreprise. Un plan de son foncier est nécessaire, ainsi que ses consommations énergétiques (dont la courbe de charge électrique) et son coût actuel de l’énergie. Cette phase est suivie de l’analyse du foncier avec l’entreprise, pour identifier les zones propices à l’installation de systèmes renouvelables : il s’agit des toitures en bon état, des parkings, des parcelles non ou sous-utilisées.
     
     
  2. Identification des gisements mobilisables

    Une étude des vecteurs renouvelables exploitables est ensuite réalisée, pour déterminer s’il existe sur le foncier un potentiel photovoltaïque, éolien, géothermique, de biomasse ou de chaleur fatale. En fonction des zones et des vecteurs identifiés, nous identifions les points d’attention techniques, sécuritaires ou réglementaires permettant d’assurer la faisabilité d’un projet de production renouvelable.

    À l’issue de ces deux premières phases, nous obtenons les zones finales sur lesquelles une production renouvelable est possible pour chaque vecteur énergétique exploitable
     
     
  3. Évaluation du productible et de la rentabilité financière

    Une fois les zones sélectionnées pour chaque vecteur identifié, le productible est calculé. Ainsi, pour chaque zone et chaque vecteur, l’entreprise sait combien d’énergie elle peut espérer produire. Lorsque l’entreprise est intéressée par l’autoconsommation de leur production électrique, nous évaluons également la production optimale à envisager pour maximiser cette autoconsommation.

    La rentabilité de chaque installation envisagée sur les différentes zones est ensuite estimée, en prenant en compte :

    - les coûts d’investissement et d’opération

    - les gains nets sur la durée de vie de l’installation

    - l’évolution du coût du MWh produit sur la durée de vie de l’installation

    - le taux de retour sur investissement

    Le productible et la rentabilité financière sont estimés à l’aide d’outils Urbanomy, en collaboration avec les experts du groupe EDF.
     
     
  4. Scénarisation, recommandations et rédaction plan de valorisation du foncier

    Selon les données de productible et de rentabilité, nous faisons des recommandations à l’entreprise, permettant de choisir les vecteurs et installations les plus avantageuses, maximisant l’autoconsommation et optimisant la rentabilité.

    Des recommandations sont également faites pour les étapes suivantes d’un projet d’installation renouvelable, incluant notamment les démarches réglementaires et la mise en relation avec des installateurs.

    Notre accompagnement se déroule généralement en suivant ces quatre étapes clés. Selon vos besoins, nous adaptons notre méthodologie pour vous fournir une approche sur mesure.

Retours d’expérience : mise en place de plans de valorisation du foncier pour l’autoconsommation industrielle

Un de nos clients est un industriel du secteur de la sidérurgie, situé dans le nord de la France. Il dispose d’un foncier limité en zone périurbaine et a des besoins importants en électricité.
 
Sur son foncier, les vecteurs photovoltaïque et éolien ont été identifiés comme les seuls disponibles et pouvant offrir un productible électrique intéressant. C’est donc sur ces vecteurs que s’est concentrée l’étude. Les toitures, parkings et parcelles ont été étudiés pour accueillir des panneaux solaires ou dispositifs éoliens.
 
Le site comportait plusieurs contraintes :
 
  • D’un point de vue réglementaire, la présence d’habitations, de bureaux, et autres bâtiments à proximité, imposait une distance minimale pour les panneaux photovoltaïques mais surtout pour une éolienne
     
  • D’un point de vue technique, les processus industriels de l’entreprise impliquaient, pour certains bâtiments, de hautes températures en toiture ainsi que des émissions de poussières dans l’air pouvant endommager des panneaux photovoltaïques.

Ces différentes contraintes ont donc restreint les dispositifs pouvant être mis en place et les zones disponibles pour leur implantation. Les toitures soumises aux poussières et hautes températures ont été exclues de la suite de l’étude. L’installation d’une éolienne de grande taille a aussi été éliminée, le foncier étant insuffisant pour respecter l’obligation de distance des bureaux, habitations, routes et chemins de fer.
 
En revanche, d’autres dispositifs ont été étudiés, tels que des éoliennes de toit ou des éoliennes de moyen et de petit format. Une étude de potentiel et de coûts d’investissement sommaire a démontré qu’une éolienne de moyen format de 500kW était la plus avantageuse pour l’entreprise. Cette éolienne a donc été sélectionnée pour le reste de l’étude.
Exemple de tableau comparatif de différents modèles d'éoliennes
Exemple de tableau comparatif de différents modèles d'éolienne.

* Levelized Cost of Electricity : coût complet de production de l'électricité.
Le productible ainsi que les aspects financiers ont été estimés pour des installations photovoltaïques sur les toitures propices, les parcelles au sol, et les parkings, puis pour deux éoliennes sur leurs parcelles.
 
L’entreprise étant fortement consommatrice d’électricité et disposant d’un coût de fourniture de l’électricité avantageux, ces études ont montré que le taux de retour sur investissement n’était pas suffisant actuellement pour justifier un investissement immédiat dans un projet éolien ou photovoltaïque. L’étude a néanmoins donné une vision claire à l’entreprise de ses possibilités de développement d’énergies renouvelables, qui permettra d’orienter leurs décisions à long terme.
Exemple d'analyse de rentabilité de la solution solaire
Exemple d'analyse de rentabilité de la solution solaire.
Dans un autre cas, un industriel du secteur pharmaceutique disposait d’un foncier considérable, avec parkings, toitures et parcelles.
Différentes zones du foncier d'un client industriel pharmaceutique, incluant parkings, toitures et parcelles
Différentes zones du foncier d'un client industriel pharmaceutique, incluant parkings, toitures et parcelles.
L’étude des potentiels de production sur ses zones a montré un potentiel photovoltaïque financièrement intéressant pour cet industriel pharmaceutique, particulièrement sur ses parcelles.
 
Équiper ces parcelles permettrait d’éviter de réaliser d’extensifs travaux de toiture ou d’installer des ombrières sur ses parkings. De plus, l’équipement d’une partie de ses parcelles au sol en autoconsommation totale permettrait de couvrir environ 15% de ses besoins annuels en électricité et de faire baisser ses dépenses énergétiques, avec un prix du MWh solaire d’environ 50€ sur 30 ans pour 80€ actuellement.
Exemple d'un tableau récapitulatif de l'analyse financière d'installations PV sur des zones sélectionnées
Exemple d'un tableau récapitulatif de l'analyse financière d'installations PV sur des zones sélectionnées.
Cette entreprise est maintenant en phase projet et prend des actions immédiates de valorisation du foncier avec une installation photovoltaïque.
 
Vous voulez aussi passer à l’action pour transformer vos patrimoines en levier de transition énergétique, économique et réglementaire ? Contactez-nous au moyen de ce formulaire (ou en nous écrivant directement : contact@urbanomy.io) pour concrétiser ensemble un plan de valorisation du foncier de vos sites industriels !
Photo de Weiyu Wang, Consultant Manager chez Urbanomy

L'autrice

Weiyu Wang

Weiyu est Experte Industrie chez Urbanomy.
 
Diplômée de l’Université et de l’ENSI de Poitiers en tant qu’ingénieure en énergie, avec une spécialisation industrielle, elle a travaillé en tant qu’ingénieure efficacité énergétique (chargée d'audits énergétiques et de recherche de financements) chez Actemium Vinci Energies puis comme cheffe de projets CEE chez Idex, en lien direct avec les agences d'exploitation et de travaux et à chaque fois sur des sujets orientés vers le secteur industriel.
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