Par François Rehulka
12/06/2025

Pour passer de la prise de conscience à l’action, les entreprises ont besoin d’une démarche structurée d’élaboration de plan d’adaptation. Chez Urbanomy, nous appliquons une méthode flexible et inspirée de cadres méthodologiques reconnus.

Deuxième volet de notre série consacrée à l'adaptation des entreprises au dérèglement climatique (première partie disponible en suivant ce lien).

Le triptyque de l'analyse des risques climatiques : aléa, exposition, vulnérabilité
Le triptyque de l'analyse des risques climatiques : aléa, exposition, vulnérabilité.

1. Diagnostiquer les vulnérabilités et cartographier les risques

L’adaptation commence par un diagnostic croisé des vulnérabilités internes de l’entreprise (ressources humaines, process, infrastructures…) et des aléas climatiques susceptibles de les affecter (canicule, sécheresse, inondation, etc.). Cette analyse s’appuie sur :
 
  • Les retours d’expérience passés (dommages subis, perturbations)
     
  • Les projections climatiques locales (scénarios à 2030, 2050, 2100)
     
  • Et la connaissance fine des enjeux opérationnels
     
L’objectif : prioriser les risques. Par exemple, une PME industrielle peut identifier l’inondation d’un site stratégique ou la surchauffe des équipements lors de canicules comme risques majeurs. Cette hiérarchisation oriente les choix d’action.

2. Définir des actions ciblées dans le temps

Une fois les vulnérabilités identifiées, l’entreprise travaille à la sélection d’un panel d’actions d’adaptation, de nature :
 
  • Technique (aménagements, équipements)
     
  • Organisationnelle (procédures, formation)
     
  • Ou fondée sur la nature (végétalisation, ombrage…).
  
Les actions sont classées selon leur efficacité, coût, faisabilité et horizon de mise en œuvre :
 
  • À court terme (0-2 ans) : des "victoires rapides", rapides et peu coûteuses. Par exemple : protocole canicule, équipements d’urgence, formation, intégration dans la gouvernance
     
  • À moyen terme (3-5 ans) : investissements structurants. Par exemple : amélioration des systèmes de refroidissement, systèmes d’alerte avancés, diversification logistique
     
  • À long terme (5-10 ans) : actions stratégiques. Par exemple : relocalisation de sites, adaptation du portefeuille d’activités, intégration renforcée dans la gouvernance.

Il est essentiel d’impliquer les parties prenantes à ce stade : responsables opérationnels, RH, clients, fournisseurs, collectivités, pour garantir la faisabilité et l’appropriation des mesures.

3. Piloter la mise en œuvre et inscrire l’adaptation dans la gouvernance

Un bon plan d’adaptation n’est pas un document figé : il doit être piloté, mis à jour et intégré dans les processus de décision. Pour cela :
 
  • Un référent adaptation peut être désigné
     
  • Des indicateurs de suivi doivent être définis (incidents climatiques, continuité d’activité, sites couverts par des actions d’adaptation, progrès de déploiement des actions, impacts des actions…)
     
  • Et l’adaptation doit être intégrée dans les comités de direction, les plans d’investissement et la politique RSE.

L’entreprise peut également maintenir une veille réglementaire et scientifique.
 
Enfin, la réussite d’un plan repose sur l’adhésion des collaborateurs. Dans la durée, cela implique des campagnes de sensibilisation, des ateliers participatifs, des exercices de simulation lorsque pertinent, et la formalisation de réflexes à adopter en cas d’alerte.
 
Cette mobilisation repose aussi sur une communication claire sur les objectifs et bénéfices des mesures à engager, ainsi que sur l’implication active des managers de proximité. L’entreprise peut s’appuyer sur des outils tels que la Fresque du Climat ou des retours d’expérience internes. Une culture de l’adaptation est ancrée lorsque chaque collaborateur se sent à la fois concerné, informé et acteur de la résilience de son périmètre d’activité.
 
Urbanomy accompagne ses clients dans cette dynamique d’appropriation en facilitant la traduction des enjeux techniques en messages accessibles, en animant des sessions de sensibilisation ciblées et en proposant pour la gouvernance des dispositifs d’engagement adaptés à l’entreprise.

Cas d’étude : notre accompagnement pour un industriel de l’énergie

Pour rendre ces principes plus tangibles, examinons le cas d’une entreprise du secteur de l’énergie (autre qu’EDF, dont Urbanomy est une filiale) qui a entrepris de structurer son plan d’adaptation climatique avec l’aide d’Urbanomy.
 
En tant qu’entreprise industrielle opérant sur plusieurs sites en France, cette entreprise est confrontée à différents risques climatiques : ses installations peuvent être affectées par des épisodes de fortes chaleurs, des tempêtes, des inondations ou encore des feux de forêt, sans oublier le phénomène de retrait-gonflement des argiles qui menace la stabilité des réservoirs ou bâtiments dans certaines régions sèches. Conscient de ces enjeux, le groupe a décidé d’intégrer l’adaptation dans sa stratégie climatique globale, aux côtés de sa démarche de décarbonation.
 
Nous avons accompagné cette entreprise dans une démarche en deux volets : atténuation et adaptation. Sur le volet adaptation, Urbanomy a réalisé une analyse approfondie des risques climatiques spécifiques à son activité opérée sur ses 5 sites majeurs. Cette mission a consisté notamment à cartographier les processus sensibles aux aléas et à analyser l’exposition de chaque site aux aléas actuels et futurs. L’approche s’est appuyée sur des données climatiques locales basées sur la trajectoire à +4°C d’ici à la fin du siècle et sur des ateliers avec les équipes techniques de l’entreprise pour identifier les points faibles connus, ou "vulnérabilités".
Synthèse de l'analyse de l'exposition des sites et sélection du site pilote (données fictives à titre d'illustration)
Synthèse de l’analyse de l’exposition des sites et sélection du site pilote (données fictives à titre d’illustration)
À l’issue de la phase de diagnostic sur les 5 sites majeurs, un site pilote a été sélectionné pour réaliser une analyse détaillée. Du point de vue stratégique et long terme de l’entreprise, le site pilote représentait un choix pertinent : ce site cumule plusieurs aléas (chaleur intense, sécheresse favorisant les feux de forêt, risque d’orages violents pouvant provoquer des inondations soudaines, sol potentiellement argileux soumis à la sécheresse).
 
En focalisant l’étude sur ce site pilote, l’entreprise et Urbanomy ont pu appliquer la méthodologie d’adaptation de manière approfondie, tout en ayant à l’esprit la réplicabilité du plan d’action aux autres sites. Ce site a servi de pilote pour élaborer un plan d’adaptation “type” qui pourra ensuite être décliné sur d’autres sites.
 
Après la phase de diagnostic des vulnérabilités sur le site pilote, notre équipe a aidé à identifier une série d’actions d’adaptation et à les prioriser. Ces actions couvrent tant la protection des collaborateurs que la modification d’infrastructures ou de procédés. Quelques exemples concrets issus du plan d’action final :
 
  • Protection des collaborateurs face à la chaleur : mise en place d’un protocole canicule avec aménagement des horaires de travail, distribution d’équipements de protection individuels rafraîchissants (gilets de refroidissement) pour les opérateurs exposés, et sensibilisation aux bonnes pratiques (hydratation, pauses à l’ombre). Ces actions ont été identifiées pour réaliser d’abord une expérimentation à l’été prochain afin de tester leur efficacité et impact sur le confort des collaborateurs, pour ensuite sélectionner et pérenniser les plus pertinentes pour les périodes ultérieures de forte chaleur
     
  • Refroidissement et confort des installations : installation de systèmes de ventilation naturelle optimisée dans le hall industriel principal pour évacuer l’air chaud nocturne, complétée par le déploiement progressif de solutions de refroidissement actif. Deux options ont été étudiées : la climatisation classique et une pompe à chaleur géothermique. L’objectif est de maintenir la température des espaces de travail et de stockage dans des plages acceptables même lors de pics de chaleur, évitant ainsi arrêts de travail et détériorations de produits. La PAC géothermique est l’option privilégiée pour limiter la « mal-adaptation », car plus efficiente et moins consommatrice d’électricité
     
  • Renforcement du bâti et des équipements : isolation thermique du bâtiment (pour limiter la surchauffe intérieure), ajout de dispositifs de protection solaire (brise-soleil, films anti-UV sur les vitrages), peinture des toitures en couleur claire à fort albédo pour réfléchir le rayonnement solaire. Ces mesures augmentent la résilience du site face aux canicules et réduisent aussi les besoins en climatisation (cobénéfice sur l’atténuation)
     
  • Aménagements extérieurs contre les aléas hydriques : végétalisation de certaines zones pour créer des îlots de fraîcheur et absorber les eaux pluviales (désimperméabilisation), amélioration du drainage des eaux et étude du dimensionnement du réseau d’évacuation d’eau pluviale pour faire face aux épisodes de pluie extrême. Ces mesures visent à anticiper les fortes pluies et inondations potentielles sur le site
     
  • Intégration des risques climatiques dans la gestion courante : mise à jour du document unique d’évaluation des risques en y incluant explicitement les risques climatiques (canicule, inondation…) et les plans d’action associés ; élaboration d’une procédure d’alerte météo (avec Météo-France ou un service dédié) pour déclencher en amont les mesures de protection (par exemple, en cas d’alerte orange pluie-inondation, évacuer les produits stockés en bas, mettre en sécurité certaines installations électriques…) ; et enfin, organisation d’un retour d’expérience annuel sur le sujet (bilan des incidents climatiques de l’année, efficacité des actions mises en place, ajustements nécessaires). En d’autres termes, inscrire l’adaptation dans le système de management HSE (Hygiène Sécurité Environnement) de l’entreprise
     
Toutes ces actions ont été priorisées en trois catégories. Cette classification aide à échelonner le plan dans le temps et en fonction des budgets disponibles :
 
  • Victoires rapides – actions sans regret, “rapides et peu coûteuses” à lancer à court terme
     
  • Leviers actionnables – actions faciles à mettre en œuvre mais à faible impact, pour compléter les victoires rapides, selon que les contraintes organisationnelles et budgétaires le permettent
     
  • Leviers stratégiques – actions à investissement important mais à fort impact, à structurer et planifier à moyen terme, selon les premiers résultats obtenus grâce aux victoires rapides
Matrice de classification des actions

Matrice de classification des actions

Enfin, chaque action a fait l’objet d’une description sous forme de « fiche action » afin de faciliter la communication en interne des enjeux d’adaptation.
 
Le plan d’adaptation du site pilote servira de modèle reproductible pour les autres sites de l’entreprise. Nous avons ainsi documenté l’ensemble des risques identifiés et des mesures potentielles, en distinguant ce qui est spécifique à ce site (par ex. la proximité d’une zone forestière à risque feu de forêt) de ce qui est généralisable à l’échelle de l’entreprise.
 
Les aléas jugés prioritaires pour l’ensemble des sites de l’entreprise sont d’ores et déjà les fortes chaleurs et les précipitations extrêmes/inondations, et le plan se concentre principalement sur des mesures palliant ces aléas transverses. D’autres risques plus localisés (par ex. débordement de cours d’eau) pourront être traités au cas par cas en s’inspirant de la même méthodologie.
 
Grâce à cet accompagnement, l’entreprise dispose maintenant d’une feuille de route pour renforcer la résilience de ses opérations. Ce cas illustre le rôle qu’une expertise climat peut jouer :
 
  • apporter une compétence technique (ingénierie climatique, connaissance des solutions d’adaptation)
     
  • et une vision stratégique pour faire de l’adaptation un levier de transformation positive

En l’occurrence, Urbanomy a couplé les enjeux d’atténuation et d’adaptation, en soulignant leurs synergies : par exemple, certaines actions d’adaptation comme l’isolation ou la végétalisation contribuent aussi aux objectifs de réduction d’émissions en diminuant les besoins énergétiques de refroidissement.
 
Cette approche intégrée permet à l’entreprise de revendiquer une stratégie climatique complète et cohérente, alignée avec les meilleures pratiques du marché.

Vers des entreprises plus résilientes face au climat

Aujourd’hui, l’adaptation au changement climatique n’est plus un “plus” optionnel dans la stratégie RSE : c’est devenu un pilier incontournable de la gestion d’entreprise responsable et durable. Entre les obligations émergentes (CSRD, taxonomie…), les bénéfices opérationnels et financiers d’une résilience climatique renforcée, et la nécessité morale de protéger salariés et territoires, les arguments en faveur de l’adaptation sont multiples.
 
Les entreprises françaises, en particulier, ont beaucoup à gagner à anticiper dès maintenant : cela leur permettra non seulement de réduire leurs risques et d’assurer la continuité de leur activité, mais aussi de renforcer leur compétitivité en se positionnant comme acteurs proactifs de la transition.
 
Des cadres méthodologiques et des outils existent (ACT Adaptation, OCARA, etc.), et nous sommes là pour vous accompagner pas à pas dans cette démarche complexe.
Photo de François Rehulka

L'auteur

François Rehulka

François est Senior Manager Technique chez Urbanomy, où il est responsable du développement de l'expertise technique de la société et de la qualité de ses missions.
Diplômé de l'École des Mines de Nantes, il a 18 ans d'expérience dans le secteur de l'énergie, sur les marchés de l'énergie, la recherche sur la décarbonation, l'optimisation des systèmes énergétiques locaux, la recherche sur la décarbonation, la stratégie de développement et la gestion de projets d'innovation.

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